Le projet Agepp vise à exploiter et à mettre en valeur l’énergie renouvelable fournie par la géothermie à Lavey. Son objectif est de capter en profondeur de l’eau à 110°C avec un débit de 40 litres par seconde. ©Photo : Agepp

Jean-François Pilet : «Si tout se passe comme prévu, nous pourrons mettre l’installation en service au second semestre 2023 et produire pour la première fois de l’électricité géothermique en Suisse.» ©Photo : Agepp

Le directeur d’Agepp Jean-François Pilet : Il faut une équipe diversifiée, multidisciplinaire et bien connectée pour réalisier le projet de géothermie à Lavey

(CP) A Lavey, à la frontière entre les cantons de Vaud et du Valais, la première électricité géothermique de Suisse devrait être produite à partir de 2023. Les travaux de forage en cours vont s’achever fin août. Jean-François Pilet, directeur d’Agepp, explique dans cette interview pourquoi cela ne va pas de soi. Il explique, quels défis le porteur de projet a dû relever et pourquoi il dort bien la nuit malgré tout. (Text auf Deutsch >>)


Jean-François Pilet, êtes-vous satisfait de l’état actuel des travaux?
Nous sommes en retard sur les travaux de forage et nous avons traversé des phases difficiles, mais nous sommes malgré tout sur la bonne voie. A la mi-juin, nous avons atteint une profondeur de forage de 2’000 mètres et nous pourrons terminer les travaux de forage vers la fin août.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées?
Sur les 600 premiers mètres, nous avons progressé très lentement dans le gneiss dur avec le grand diamètre de forage – environ un mètre par heure, soit deux fois moins vite que prévu. Les têtes de forage se sont donc usées plus rapidement. Plus bas, en revanche, nous avons pu atteindre notre objectif de vitesse avec un diamètre de forage plus petit. De plus, lors d’un incident, nous avons dû arrêter les travaux de forage pendant dix jours et la partie inférieure du trou a commencé à s’effondrer. Avant de pouvoir reprendre les travaux de forage, nous avons dû stabiliser l’ensemble du système. Et nous avons dû renoncer à une partie des mesures de diagraphies prévues à une profondeur d’environ 1800 mètres.

Avec quelles conséquences?
Nous avons certes pu mesurer la température à cette profondeur – elle est de 95° C – mais pas le débit de production des fractures. Nous ne le saurons qu’une fois le forage terminé. Ces tests de production nous permettront de savoir si nous pouvons produire de l’électricité et de la chaleur dans les proportions prévues. Dans le meilleur des cas, nous partons d’une température de 110° C et d’un débit d’environ 40 litres par seconde.

Et si le débit est inférieur?
Il faudrait alors réfléchir à la forme de production. Jusqu’à présent, nous pensons pouvoir produire 4,2 GWh d’électricité et 15,5 GWh de chaleur. Pour la production d’électricité, l’eau chaude à 110° C est d’abord refroidie à 70° C, puis à 30° C pour la production de chaleur. Si le débit devait être inférieur à 25 litres par seconde, nous devrions renoncer à la production d’électricité, mais nous pourrions utiliser des températures de départ beaucoup plus élevées pour la chaleur.

Contrairement à de nombreux projets, l’installation de Lavey n’est pas conçue comme un doublet, mais se contente d’un seul forage qui puise l’eau en profondeur. Que fait-on de l’eau après son utilisation? Vous ne pouvez probablement pas la rejeter telle quelle dans le Rhône?
C’est effectivement le cas. L’eau à 30 degrés ne s’écoule pas directement dans le Rhône, mais dans la galerie d’amenée de la centrale hydroélectrique de Lavey. Le volume résiduel restitué est si faible par rapport au volume d’eau dans la galerie qu’il n’influence quasiment pas la température de cette eau.

Si vous pensez encore une fois aux difficultés évoquées précédemment: Le projet dans son ensemble était-il menacé à un moment donné?
Non, mais cela a entraîné les retards dans le calendrier et nous avons dû procéder à quelques adaptations du projet initial.

Par exemple?
Nous avons notamment dû adapter la conception du puits de forage. Au départ, nous visions une profondeur cible de plus de 3000 mètres (voir ee-news.ch du 25/01/2022 >>) et la partie productive du puits – c’est-à-dire les quelque 500 mètres de la zone la plus basse – devait être ouverte. Mais la roche ne le permet pas. Nous passons donc d’un «trou nu» ­­– c’est ainsi qu’on l’appelle – à un puits avec des tubes d’acier perforés. Et nous atteindrons vraisemblablement une profondeur d’environ 2800 mètres.

Avez-vous eu du mal à gérer ces difficultés personnellement? Avez-vous bien dormi la nuit?
(rires) Je n’ai pas perdu le sommeil pour autant. Bien sûr, en tant que directeur de l’Agepp, il est de ma responsabilité envers nos partenaires de mener le projet à bien. Mais je ne suis pas seul, loin de là. Sur le site de forage, il y a en permanence une trentaine de personnes sur place, auxquelles s’ajoutent 50 autres personnes dans le back-office. Ce sont tous des gens très compétents, et avec eux, nous avons pu résoudre tous les problèmes. Je n’ai donc jamais perdu mon optimisme.

Que se passera-t-il après la fin des travaux de forage en août?
L’installation de forage sera démontée et transportée à Vinzel, toujours au Canton de Vaud, où elle aura sa prochaine mission dans le cadre du projet EnergeÔ La Côte (voir ee-news.ch du 15/07/2022 >>). Si les tests de production sont concluants, les travaux pour l’infrastructure nécessaire en surface pourront commencer. Si tout se passe comme prévu, nous pourrons mettre l’installation en service au second semestre 2023 et produire pour la première fois de l’électricité géothermique en Suisse.

Enfin, serait-on tenté de dire… Vous avez dû surmonter de nombreux obstacles jusqu’ici. Que pouvez-vous conseiller à d’autres porteurs de projets qui se trouvent aujourd’hui au début d’un projet
Le plus important d’abord: il faut une équipe diversifiée et multidisciplinaire et un bureau d’ingénieurs qui dispose d’un bon réseau, qui connaît bien les procédures d’autorisation et les autorités. Les aspects administratifs ne doivent en aucun cas être sous-estimés, il faut du souffle, même si c’est certainement un peu plus facile aujourd’hui. Et à chaque phase du projet, il est également essentiel de communiquer de manière transparente et ouverte et de donner à la population la possibilité de se rendre sur place. Nous avons particulièrement tenu compte de cet aspect et récoltons aujourd’hui les fruits de notre travail: au total, quelque 600 personnes nous ont déjà rendu visite lors de réunions d’information et de visites guidées du site de forage, et les réactions ont été globalement positives. L’acceptation de la population et le soutien politique des communes de Lavey et de Saint-Maurice sont importants, et j’en suis fier.

Texte : Géothermie Suisse

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