Pour l’isolation thermique des façades, des toits et des caves, les maîtres d’ouvrage ont aujourd’hui accès à un large choix de matériaux isolants - et ils sont de plus en plus nombreux. Certes, les panneaux isolants jaunes en laine de verre minérale sont toujours très répandus, de même que les panneaux isolants en EPS (polystyrène expansé) ou d’autres produits en plastique expansé comme le PUR ou l’XPS. Mais de plus en plus souvent, le choix se porte sur des produits durables, par exemple des isolants organiques en fibres de bois, en chanvre ou en cellulose. Chacun de ces matériaux de construction présente des avantages et des inconvénients en termes d’isolation thermique, de protection contre l’incendie, de comportement à la vapeur et de protection contre la chaleur et l’humidité.
Les matériaux isolants à base d’aérogel constituent une catégorie d’offres encore récente. Ils se composent de corps solides très poreux qui isolent très efficacement la chaleur. Si les isolations traditionnelles des bâtiments ont une épaisseur de 20 à 40 cm pour atteindre le standard d’efficacité Minergie, l’aérogel atteint le même effet isolant avec une épaisseur d’environ 10 cm seulement. Le revers de la médaille : l’aérogel est plus couteux que les autres matériaux isolants. Pour que le matériau d’isolation devienne compétitif, de nouvelles idées sont nécessaires. C’est dans ce contexte que la spin-off de l’ETHZ Aeroskin Tech AG (Au/ZH) travaille sur un enduit isolant à base d’aérogel, lequel peut être appliqué sur les façades à l’aide d’un pulvérisateur. Tant la formule innovante que l’application au moyen d’un pulvérisateur promettent à l’enduit isolant à base d’aérogel un potentiel intéressant de réduction des coûts.
Les granulés nécessitent un liant
L’indicateur de la qualité d’un matériau isolant est la conductivité thermique, exprimée en watts par mètre et par kelvin (W/mK). Plus cette valeur est faible, plus un matériau de construction est isolant. La laine minérale a, dans le meilleur des cas, une conductivité thermique de 0.032 W/mK, tandis que pour les meilleurs isolants à base d’aérogel disponibles, cette valeur est deux fois moins élevée (0.015-0.017 W/mK).
Les granulés d’aérogel, à partir desquels sont fabriqués les enduits isolants, ont une conductivité thermique très faible de seulement 0,013 W/mK. Toutefois, un liant minéral est indispensable pour en faire un enduit isolant. Celui-ci détériore l’isolation thermique des granulés. Les meilleurs enduits isolants à base d’aérogel actuellement disponibles ont une conductivité thermique de 0,028 W/mK. La recherche s’emploie à réduire cette valeur en utilisant de nouveaux liants ou des liants plus performants, afin de pouvoir exploiter encore mieux le potentiel de l’aérogel dans les enduits isolants.
Test de robustesse d’un an
Dans le cadre d’un projet, cet enduit pulvérisé a été testé dans la pratique avec un deuxième enduit isolant à base d’aérogel. AGITEC AG était partenaire du projet, lequel a été soutenu entre autres par le programme pilote et de démonstration de l’OFEN. «Ce projet pilote est d’un grand intérêt pour tous les types d’enduits à base d’aérogel, car il s’est penché sur la question de savoir comment appliquer au mieux cet enduit innovant sur la façade et quels additifs sont susceptibles d’améliorer sa robustesse et sa longévité et de créer ainsi les conditions d’une introduction sur le marché», explique Men Wirz, coresponsable du programme P+D de l’OFEN.
Bilan positif
Dans le cadre du projet pilote, les deux enduits isolants à base d’aérogel ont été soumis à un programme de test d’un an. L’un des enduits à base d’aérogel a été appliqué sur une façade de 40 mètres carrés lors de la rénovation d’une villa à Lenzerheide. Parallèlement, les scientifiques impliqués ont mis en place une structure d’essai pour un programme de surveillance à grande échelle, dans laquelle les deux enduits isolants ont été appliqués sur deux types de façades différentes (briques en terre cuite, béton poreux), l’un avec et l’autre sans revêtement du support (voir ci-dessous). Tous les échantillons d’enduits isolants ont été observés scientifiquement pendant un an afin d’évaluer la robustesse et la résistance des enduits isolants. Le rapport final du projet dresse un bilan positif: «Les résultats montrent que le nouveau système de façade proposé, basé sur des enduits isolants à base d’aérogel, offre une amélioration considérable de la stabilité mécanique et de la durabilité à long terme».
Une couche de fond rend l’enduit à base d’aérogel plus résistant
Le résultat ne va pas de soi. Les enduits isolants à base d’aérogel sont constitués de granulés d’aérogel dont les composants doivent être liés par un liant minéral. Le rapport de mélange est un exercice d’équilibre. Plus la proportion de granulés dans le mélange est élevée, meilleur est l’effet isolant - et plus grand est le risque que l’enduit se fragilise avec le temps. Il existe des exemples antérieurs d’enduits isolants à base d’aérogel qui, à moyen terme, se sont fortement fissurés, ont rétréci chimiquement et se sont par la suite détachés du support. Pour éviter cela, dans le présent projet pilote, la façade ou les panneaux d’essai de la structure test ont été revêtus avant l’application de l’enduit isolant. Pour cela, on a utilisé un agent hydrophobe composé de silanes/siloxanes qui empêche le dépôt d’eau de l’enduit sur la façade. L’agent hydrofuge s’oppose ainsi au séchage rapide du liant minéral contenu dans l’enduit à base d’aérogel et renforce ainsi ses propriétés mécaniques.
Fixations mécaniques
L’utilisation de l’agent hydrophobe a fait ses preuves lors de la série de tests. Les deux enduits isolants à base d’aérogel examinés étaient stables sur un support en béton ou en briques d’argile, même après un an. Afin de consolider davantage l’enduit à base d’aérogel, des fixations mécaniques ont été appliquées sur le mortier-colle/filet d’enrobage protecteur dans le cadre du projet pilote. Selon l’équipe de recherche, cette mesure a encore amélioré la robustesse et la durabilité du système de construction. Une étude préliminaire a en outre montré que le revêtement pouvait non seulement être utilisé sur les façades en béton et en briques d’argile, mais qu’il réduisait également l’absorption d’humidité sur la brique silico-calcaire, la pierre naturelle et quatre autres supports.
Des coûts de main-d’œuvre plus bas
Daniel Sanz Pont, qui développe l’un des deux enduits isolants à base d’aérogel avec sa société Aeroskin Tech AG, veut poursuivre l’optimisation de l’enduit isolant sur le plan technique et le commercialiser à moyen terme. L’entrepreneur, qui forme en parallèle de futurs ingénieurs civils à l’ETH de Zurich, est convaincu que les enduits isolants à base d’aérogel seront compétitifs dans un avenir proche. «Le surcoût des granulés d’aérogel est alors compensé par les économies réalisées sur les coûts de main-d’œuvre pour l’application de l’enduit», explique le scientifique spécialisé dans les matériaux, qui a obtenu son doctorat à l’Université polytechnique de Madrid et à l’ETH de Zurich avant de développer ce nouveau type d’enduit isolant en tant que collaborateur scientifique à l’ETH de Zurich.
swissaerogel.ch
En lien avec le projet pilote de l’OFEN, l’outil en ligne www.swissaerogel.ch a été développé, permettant d’estimer et de comparer les coûts des rénovations avec différents matériaux d’isolation. Les calculs montrent que les solutions de rénovation avec un enduit isolant à base d’aérogel ne sont déjà aujourd’hui que d’environ 6 à 12 pour cent plus chères que les solutions d’isolation traditionnelles, si l’on tient compte de tous les facteurs de coûts.
Projets pilotes et de démonstration de l’OFEN
Le projet présenté dans le texte principal a été soutenu par le programme pilote et de démonstration de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Avec ce programme, l’OFEN encourage le développement et l’expérimentation de technologies, de solutions et d’approches innovantes, lesquelles contribuent de manière significative à l’efficacité énergétique ou à l’utilisation des énergies renouvelables. Les demandes d’aide financière peuvent être soumises à tout moment. La Fondation Suisse pour le Climat a également apporté son soutien. bfe.admin.ch/pilotdemonstration >>
- Le rapport final en anglais du projet «Faisabilité des systèmes d’enduits isolants haute performance à base d’aérogel» >>
- Men Wirz (men.wirz[at]bfe.admin.ch), co-responsable du programme pilote et de démonstration de l’OFEN, et Nadège Vetterli (nadege.vetterli[at]anex.ch), responsable externe du programme de recherche Bâtiments et villes de l’OFEN communiquent des informations supplémentaires à ce sujet.
- Plus d’articles spécialisés concernant les projets pilotes, de démonstration et les projets phares dans le domaine Bâtiments et villes sur www.bfe.admin.ch/ec-batiments >>
- Des articles sur le thème de l'aérogel sur ee-news.ch >>
Texte : Benedikt Vogel, sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN)
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