Dessin de l’Hôtel logistique à Paris. La construction de 400 m de long, qui abrite notamment un terminal de transbordement, dispose d’un toit végétalisé avec un terrain de sport et une «ferme urbaine». ©Photo : Sogaris

Station de livraison de la ville de Zurich. ©Photo : Service des ponts et chaussées de la ville de Zurich

La plateforme de distribution «Cityporto», construite par la ville et des entreprises privées, décharge le centre historique de Padua du trafic dû au transport de marchandises. ©Photo : Interporto

Des véhicules à gaz et hybrides plus petits sont utilisés pour la distribution détaillée dans la vieille ville de Padua. Ces véhicules sont chargés à Cityporto avant de livrer les marchandises dans les commerces. ©Photo : Interporto

Des voisins disparates: la noble Prime Tower avec ses bureaux distingués à gauche des rails et le centre logistique du site de Hardfeld à droite. ©Photo : B. Vogel

Le graphique montre un ensemble de points de connexion dans les domaines Comportement, Marché/Service & conditions cadre ainsi que dans le domaine Technologie & Infrastructure. ©Photo : Rapport final du projet Logistique urbaine intelligente

Rampes de chargement et de déchargement du centre logistique Cargo Domizil à Zurich-Altstetten. C’est ici que le transbordement des marchandises livrées par voie ferroviaire sur les camions est réalisé. ©Photo : B. Vogel

Le commerce en ligne a provoqué une croissance exponentielle de la vente par correspondance au cours des dernières années. ©Photo : VSV/GfK 2018/Carpathia AG

Logistique urbaine: Plus de marchandises, beaucoup moins d’énergie et sans CO2

(BV) Le fret urbain équivaut à la quadrature du cercle: les besoins de la population et des entreprises doivent pouvoir être entièrement satisfaits et, si possible, à tout moment. Les flux de marchandises doivent être pratiquement invisibles et silencieux tout en étant efficaces du point de vue énergétique. Dans ce contexte difficile, les experts en transport de marchandises ont imaginé une logistique urbaine réalisable avec une fraction de l’énergie actuellement requise pour l’année 2050. (Texte auf Deutsch >>)


Un défi majeur pour les experts: les exploitations logistiques ne doivent plus être délocalisées en dehors des centres-villes mais y être intégrées grâce à des concepts innovants.

Deux mondes différents
Quiconque prend le train à partir de Baden jusqu’au centre-ville de Zurich peut observer deux mondes différents le long des voies. D’un côté s’élèvent les chics tours de bureaux comme la Prime Tower ou les trois nouvelles tours noires Vulcano avec ses logements exclusifs. De l’autre côté des voies s’étendent de sobres zones commerciales et industrielles: on y trouve par exemple les entrepôts dans lesquels une entreprise de logistiques assure le transbordement des marchandises depuis les trains sur les camions pour les distribuer aux destinataires de la ville de Zurich pour le réseau national Cargo Domizil. Un peu plus loin, une entreprise d’enlèvement des déchets utilise le terrain pour la manutention, le stockage et le tri des déchets encombrants et de construction.

«Aujourd’hui, les sites logistiques dans les zones urbaines subissent une forte pression. Ils se voient dans l’obligation de se déplacer pour laisser place à des bâtiments de bureaux et d'habitation à plus haute valeur ajoutée», affirme Martin Ruesch, expert en transport de marchandises. «Nous observons actuellement un «Logistics Sprawl»: les centres de logistiques sont délocalisés des centres urbains vers les espaces verts. Cette évolution est défavorable car les voies de transport ont tendance à augmenter de même que l’énergie nécessaire pour le transport des marchandise.»

Avec beaucoup moins d’énergie et sans CO2
Martin Ruesch est ingénieur en bâtiment diplômé de l’ETH et se penche depuis 30 ans sur les questions du transport et du trafic de marchandises. Aujourd’hui, il dirige le service de consultation en matière de trafic et de transport chez la société de planification et de conseil Rapp à Zurich. Ruesch est le coauteur d’une étude récemment publiée visant à indiquer la voie pour une logistique énergétiquement efficace et ne provoquant pas d’émissions de CO2 dans les zones urbaines. «Une logistique urbaine intelligente» est le titre du projet que Ruesch a réalisé au cours des trois dernières années en collaboration avec l’Institut de planification du trafic et des systèmes de transport de l’ETH de Zurich et la société de conseil politique Interface (Lucerne). L’étude a été réalisée dans le cadre du programme national de recherche (PNR) 71 «Gérer la consommation d'énergie» du Fonds national suisse et financée, entre autre, par l’Office fédéral de l’énergie.

Une des visions élaborées par les auteurs d’une Suisse qui, en 2050, serait en mesure d’assurer le transport urbain des marchandises avec un dixième de l’énergie requise aujourd’hui et sans émissions de CO2 est au centre de l’étude. Cette vision dépasse de loin les objectifs de la stratégie énergétique 2050 de l’État fédéral et doit être consciemment comprise comme contrepoint à la réalité d'aujourd'hui. Le transport des marchandises est actuellement soumis à une tendance de croissance ininterrompue. L’explosion du commerce en ligne, pour ne citer qu’un exemple flagrant, pousse fortement les services de livraison à domicile. L’atomisation des livraisons et les exigences croissantes réduisent sans cesse les durées de stockage, ce qui permet d’augmenter la fréquence des livraisons. Les analyses de tendances prévoient une poursuite de la croissance des flux de marchandises pour les prochaines décennies: de 2013 à 2050, la quantité de marchandises urbaine passera de 342 à 416 millions de tonnes et la prestation de transport de 35’700 à 41’400 millions de tonnes-kilomètres.

Une vision motivante
L’énergie nécessaire à l’exécution de ces transports correspondrait à une consommation énergétique permanente par tête de 122 Watt en 2050, répartie sur la population suisse et l’année. Conformément à leur vision, les experts en logistique qui accompagnent Martin Ruesch souhaitent réduire cette valeur à 7.7 watts, c’est-à-dire la réduire de 90%. Sur les 2000 watts que prévoit la Société à 2000 watts, 7.7 watts seraient destinés à la logistique. Les auteurs de l’étude veulent également réaliser un grand pas en avant concernant les gaz à effet de serre: ils voudraient assurer la logistique urbaine sans émissions de CO2 et éviter ainsi complètement la production de CO2 pronostiquée pour l’année 2050 (2.48 millions t) produite par la logistique urbaine.

Pour une meilleure compréhension: les experts ne peuvent ni ne veulent garantir absolument que leur volonté d’obtenir une logistique énergétiquement efficace et propre devienne réalité d’ici l’année 2050. Ils ne présentent d’ailleurs aucun plan de mise en œuvre détaillé. Leurs propositions indiquent toutefois une direction qui pourrait aider faire de leur vision une réalité. Les auteurs voient leur modèle comme une motivation: ils souhaitent inciter les experts du secteur de la logistique, mais également les experts administratifs et les politiciens à poursuivre le développement de la logistique urbaine dans le sens de la durabilité. Les chercheurs sont convaincus que leur vision de l’année 2050 est réalisable avec «une association innovante des différentes approches et des conditions cadres».

Des propositions explosives
Les auteurs de l’étude citent quatre domaines auxquels ils accordent une importance centrale pour la transition vers une logistique urbaine durable. Comme les suggestions, mentionnées ici à titre d’exemple, l’indiquent, leurs revendications ont un potentiel explosif sur le plan politique:

Nouveaux entrainements et carburants: l’électrification du transport de marchandises, actuellement de 1 à 2%, doit nettement augmenter. La politique n’est pas seulement invitée à prendre les mesures d’encouragement correspondantes mais doit également assurer une quantité suffisante d’électricité renouvelable pour assurer le transport de marchandises et de passagers.

Conditions d’utilisation avec une préférence pour les véhicules efficaces et sans émissions de CO2: selon les informations des auteurs, cela pourrait par exemple signifier que seuls des véhicules n'atteignant pas une certaine consommation énergétique pourraient circuler dans les villes (un principe similaire aux « éco-zones » en Allemagne, dans lesquelles seules des véhicules à faible taux d’émissions sont en droit de circuler).

Mobility Pricing avec taxes d’utilisation en fonction du lieu, de la durée et de la charge: ici, les auteurs pensent à étendre la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) aux véhicules légers (véhicules de livraison de moins de 3.5 t) mais également à une différentiation des taxes en fonction de l’heure, du lieu (par ex. centre ville) et de la charge du véhicule. Le transport ferroviaire de passagers et de marchandises doit être pris en compte dans le Mobility Pricing.

Mesures comportementales visant à augmenter l’efficacité énergétique: il est ici question de créer une « étiquette d’efficacité énergétique». Cette étiquette informerait les consommateurs sur la consommation énergétique des prestations de logistique et de transport de colis/livraison en vue de favoriser un comportement plus soucieux de la question énergétique.

La collaboration inter-entreprise pour plus de livraisons groupées, assurer des zones prioritaires pour les prestations logistiques dans les zones urbaines de même que des systèmes de transport souterrains sont d’autres domaines importants dans lesquels des mesures peuvent être envisagées (cf. graphique à gauche).

Bons exemples à l’étranger
Ces idées, de même que d’autres développées au cours de l’étude, peuvent donner d’importantes impulsions pour la discussion et la prise de mesures à l’avenir. Des exemples de Best-Practice sur le plan national comme international que les auteurs de l’étude ont recueillis offrent un point de départ non moins intéressant pour une logistique urbaine durable. Ils présentent des approches innovantes exemplaires et invitent à l’imitation ou au moins à une analyse critique. À Paris par exemple, à proximité de la Gare du Nord, une installation logistique a été mise en service dans le cadre d’un projet intitulé «Chapelle International». Des conteneurs y sont transbordés des trains sur des véhicules énergétiquement efficaces pour la distribution en ville. Cet Hôtel logistique de la société des chemins de fer SNCF et de la ville de Paris se compose d’un bâtiment d’une longueur de 400 m qui abrite, entre autres, des commerces de détail, des bureaux, des écoles, un parking et un centre de données. Le toit végétalisé propose un espace pour la pratique du sport et une «ferme urbaine». Cette mixité d’usage a été mise en place en vue d’augmenter la valeur ajoutée du complexe. L’objectif est de ramener les prestations logistiques dans le centre ville et d’agir ainsi contre le «Logistics Sprawl». «Selon la planification, les trajets parcourus par les poids-lourds en ville devraient être réduit de 1 100 000 km par an et les émissions de CO2 réduites de 560 tonnes» ; c’est ce que précise un exposé du bureau d'architecture A.26 Architectures.

La collaboration inter-entreprise du trafic de livraison est l’objectif déclaré d’un Public-Private-Partnership à Padua. À «Cityporto», à 3 km du centre de la ville du nord de l’Italie, les marchandises sont regroupées pour la livraison aux destinataires urbains depuis 2004. Les livraisons détaillées sont ensuite réalisées avec des véhicules à gaz et hybrides. Ils sont autorisés à utiliser les voies réservées aux bus et ne sont pas tenus de respecter les créneaux horaires de livraison habituels. Le point remarquable de cet exemple: à «Cityporto», plus de 50 entreprises privées collaborent. Le projet a permis une réduction du trafic de livraison, une augmentation de la charge des véhicules de transport et une réduction de la distance moyenne parcourue de 6 à 1.7 km par distribution. Cette approche inter-entreprise est également mise en pratique en Europe par des services de courriers, express et de colis qui exploitent des stations de retrait communes.

L’état doit donner l’élan
Les concepts innovants concernant la logistique urbaine ne manquent pas, en Suisse non plus. Ainsi, le détaillant Coop livre aujourd’hui ses marchandises par chemins de fer vers Genève depuis la centrale de distribution Aclens au nord-ouest de Lausanne dans des conteneurs pré-emballés pour éviter de parcourir les longues distances en poids-lourds. Le salon d’exposition de Bâle quant à lui utilise un système de réservation en ligne qui contrôle les livraisons par poids-lourd, ce qui permet une réduction des délais d’attente et les embouteillages. Les auteurs tentent de faire comprendre que de telles approches devraient être appliquées plus souvent. « Pour y parvenir, nous voulons motiver les villes, les cantons et l’État à se pencher plus intensément sur la question du transport de marchandises et à agir dans le sens de notre étude », dit Martin Ruesch.

Certains cantons et certaines villes comme Bâle, Genève ou Zurich sont déjà impliqués et ont élaboré des concepts de transport de marchandises. Pour Martin Pulfer, responsable du programme de recherche sur la mobilité à l’Office fédéral de l’énergie, la destination du voyage est claire: «Le commerce du transport et de la logistique peut et doit apporter une plus grande contribution à la réduction de la consommation énergétique et aux émissions de CO2 dans les centres-villes.»

La logistique d’un pays à caractère urbain
La question du transport transalpin de marchandises a tenu le débat politique suisse en haleine pendant des années et continue aujourd’hui. La présente étude, réalisée sous la direction de la société Rapp Trans AG, se concentre sur la logistique urbaine: le transport de marchandises concerne beaucoup plus de monde dans les villes. Le flux de marchandises connait également une croissance très importante.

Selon la définition de l’étude «Logistique urbaine intelligente», la logistique urbaine inclut tous les processus de transport, de manutention et de stockage de même que les prestations logistiques d’assistance pour les zones urbaines. L’étude concerne tous les transports de marchandises ayant une zone urbaine pour point de départ ou pour destination. Les transports de courriers et express, les livraisons de marchandises emballées et en vrac représentent la majeure partie. En Suisse, environ 85% de tous les flux de marchandises peuvent être attribués à la logistique urbaine.

Martin Pulfer (martin.pulfer[at]bfe.admin.ch), directeur du programme de recherche de l’OFEN sur la mobilité, communique des informations complémentaires sur le projet.

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Texte : Dr. Benedikt Vogel, sur mandat de l'Office fédéral de l'énergie (OFEN)













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