Dans le cadre du projet pilote et de démonstration HydroLEAP du lac de l’Hongrin, le potentiel du fonctionnement en court-circuit hydraulique pour la mise à disposition d’une puissance de réglage négative continue est étudié. Image: Alpiq

Au niveau mondial, le photovoltaïque et l'énergie éolienne sont nettement plus développés que l’énergie hydraulique dans le domaine des énergies renouvelables. Graphique: IEA Renewable Energy Market Update 2021/rédigé par B. Vogel

En Suisse, environ 58% de la production d’électricité provenait de l’énergie hydraulique en 2021, c'est-à-dire de centrales au fil de l’eau ou de centrales de pompage-turbinage. Image: Statistique suisse de l’électricité 2020

L’AIE prévoit une croissance de l’énergie hydraulique d’ici 2050. La production d’énergie à partir de centrales éoliennes et solaires augmentera toutefois beaucoup plus fortement et dépassera l’énergie hydraulique dès 2030. Image: AIE/B. Vogel

Dans le cadre du projet POST, des chercheurs ont utilisé la «vélocimétrie par images de particules» pour mesurer la formation de bulles qui se produit dans les turbines Francis par tourbillon dans certains modes de fonctionnement. Image: PTMH/EPFL

Dans le cadre du projet HydroLEAP, le remplacement de l’actuelle turbine Francis par une turbine Pelton est testé dans la centrale hydroélectrique au fil de l’eau à haute pression d’Ernen, dans le Haut-Valais. Image: FMV

Visualisation de la nouvelle centrale au fil de l'eau à Massongex, actuellement en cours de planification. La centrale électrique est un site de démonstration du projet HydroLEAP qui étudie entre autre une gestion avancée des sédiments. Image : MBR

Modernisation de centrales au fil de l’eau et d’accumulation : Le nouveau rôle de l’énergie hydraulique

(BV) Le développement de l’énergie solaire et éolienne est une tendance à l’échelle mondiale. L’énergie hydraulique est directement concernée par ce développement dans la mesure où un nouveau rôle l’attend: si l’approvisionnement en électricité était au centre des préoccupations jusqu’à présent, la fonction de l’énergie hydraulique consistera à l’avenir à permettre la transition de l’approvisionnement énergétique vers de grandes quantités d’électricité solaire et éolienne. L’Office fédéral de l’énergie finance différents projets de recherche pour la modernisation nécessaire de l’énergie hydraulique suisse. (Text auf Deutsch >>)


La production d’électricité «verte» à partir du photovoltaïque, du bois, du biogaz et de l’énergie éolienne occupe une large place dans le débat public, et le photovoltaïque en particulier affiche des taux de croissance impressionnants. Malgré tout, l’énergie hydraulique reste de loin la principale source d’énergie indigène en Suisse. Les centrales au fil de l’eau et les centrales d’accumulation couvraient 58% des besoins en électricité en 2020, selon la Statistique de l’électricité suisse. L’énergie hydraulique contribue actuellement à environ 90% de la production d’électricité renouvelable du pays et reste ainsi un pilier central de l’approvisionnement énergétique.

L'éolien et le solaire dépasseront l’énergie hydraulique
Toutefois, l’avenir semble ouvrir de nouvelles perspectives, tant au niveau national qu’international: le soutien politique pour le développement de l’énergie éolienne et solaire est grand et efficace. A l'échelle mondiale, les capacités de production dans le domaine de l’énergie solaire et éolienne augmentent nettement plus vite que celles de l’énergie hydraulique. Aujourd’hui déjà, la puissance installée des centrales solaires et éoliennes est supérieure à celle des centrales hydroélectriques. Selon la feuille de route «Net Zero by 2050» récemment publiée par l’Agence internationale de l’énergie, la production d’énergie éolienne et solaire dépassera bientôt celle de l’énergie hydraulique.

‘Enabler’ de la transition énergétique
Dans le contexte de la transformation actuelle de l’approvisionnement énergétique, l’énergie hydraulique change de rôle. Même si elle reste un pilier important de l’approvisionnement énergétique, elle assume en outre la tâche de permettre le tournant vers un nouvel approvisionnement énergétique encore plus orienté vers les sources d’énergie renouvelables. Elle est donc, pour l’exprimer en anglais, l’enabler de la transition énergétique. Ce nouveau rôle découle du fait que la production d’électricité à partir du vent et du soleil se développe massivement dans le monde entier. Mais comme ces deux formes d’énergie ont des rendements variables en fonction des conditions météorologiques, différentes mesures doivent être prises pour garantir une intégration optimale de l’électricité éolienne et solaire dans le système d’approvisionnement en énergie tout en préservant la stabilité du réseau.

Rendement du stockage d’environ 80%
Klaus Jorde, qui dirige le programme de recherche sur l’énergie hydraulique sur mandat de l'OFEN en tant qu’expert externe, affirme que, dans ce contexte, l’énergie hydraulique devrait jouer un rôle central. «Pour le stockage et la fourniture d’électricité sous forme de puissance (de régulation) et d’énergie, l’hydroélectricité est une option très appropriée. Avec un rendement global d’environ 80%, le stockage de l’électricité dans des lacs de retenue est de loin supérieur aux technologies Power-to-X connues; il est également moins cher à long terme et dispose d’une durée de vie plus longue. L’énergie hydraulique est répandue dans de nombreuses régions du monde et peut être utilisée à des fins de stockage moyennant certaines adaptations». Selon Jorde, le potentiel de stockage de l’énergie hydraulique est encore sous-estimé aujourd’hui: selon des études de l’Agence internationale de l’énergie, elle offre actuellement une capacité de stockage 2 300 fois supérieure à celle de toutes les batteries disponibles dans le monde, y compris celles de tous les véhicules électriques.

Des défis techniques et économiques
Afin d’assumer ce nouveau rôle d’Enabler de la transition énergétique, la technologie de l’énergie hydraulique a besoin d’un coup de pouce en termes de modernisation. En effet, les centrales électriques doivent être mises à niveau pour pouvoir fonctionner de manière flexible, ce qui n’était pas prévu dans la production d’électricité traditionnelle. Outre les défis techniques, les aspects économiques doivent être pris en compte, comme l’explique Klaus Jorde: «Les exploitants de centrales électriques hésitent encore à réaliser les investissements nécessaires dans la mesure où la base économique pour ces investissements fait défaut sur de nombreux marchés. L’énergie hydraulique a traditionnellement de très longues périodes d’amortissement. Des rémunérations garanties à long terme pour ces nouvelles prestations sont nécessaires afin que les exploitants des centrales réalisent les investissements correspondants».

«Plateforme technologique machines hydrauliques»
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les activités de recherche qui se consacrent actuellement à la flexibilisation des installations hydroélectriques. Avec les États-Unis et la Norvège, la Suisse occupe une position de leader dans ce domaine. Le projet «SmallFLEX», dirigé par la Haute école spécialisée de Suisse occidentale Valais-Wallis, a par exemple étudié de 2017 à 2021, à la centrale au fil de l’eau de Gletsch-Oberwald (VS), la faisabilité technique et le potentiel économique d’une exploitation flexible ainsi que son impact sur l’écologie fluviale. L’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), laquelle dispose de nombreuses années d'expérience dans la recherche sur l’énergie hydraulique, a participé au projet. La «Plateforme technologique machines hydrauliques» (PTMH), dirigée par le professeur Mario Paolone, y fait de la recherche fondamentale et soutient l’industrie dans des projets de développement basés sur la pratique. «Notre recherche se concentre sur l’exploitation flexible des centrales hydroélectriques, car cela permettra à l’énergie hydraulique de contribuer de manière importante à la transition du système énergétique à l’avenir», explique le Dr Elena Vagnoni, directrice du groupe de recherche PTMH.

Des tourbillons dangereux dans les turbines Francis
Un projet de recherche, qui s’est achevé en 2021 sous l’acronyme POST (pour: Plant Operation Stability Modeling), a étudié le comportement des turbines Francis, lesquelles sont exploitées à charge partielle ou forte charge en dehors de la plage de fonctionnement classique. Dans de tels cas, des instabilités peuvent se produire. Elles se manifestent par des vibrations et des bruits et entraînent une perte d’efficacité et une fatigue des matériaux. Les instabilités sont dues à des tourbillons qui se forment après le passage de l’eau dans la turbine et provoquent la formation de bulles (cavitation).

Caractéristiques physiques de ces tourbillons
Dans le cadre du projet POST, l’équipe de chercheurs d’Elena Vagnoni a décrit les caractéristiques physiques de ces tourbillons pour différents modes de fonctionnement. En outre, l’équipe a développé, à l’aide du logiciel de simulation SIMSEN, un modèle capable de prédire à quelles conditions de cavitation il faut s’attendre et dans quelles conditions de fonctionnement. Elena Vagnoni: «Nos connaissances aident les fabricants de turbines à optimiser la géométrie des turbines afin d’éliminer, ou au moins de réduire, les instabilités. Les exploitants de centrales en tirent des enseignements pour savoir dans quelle mesure ils peuvent modifier les conditions d’exploitation sans provoquer d’instabilité préjudiciable».

Essai du fonctionnement hydraulique en court-circuit
Les compétences du laboratoire de l’EPFL sont actuellement mises à profit dans le cadre d’un projet de démonstration d’une durée de quatre ans, auquel participent cinq entreprises d’électricité et d’autres partenaires de recherche tels que la Haute école spécialisée de Suisse occidentale et l’ETH Zurich. Dans le cadre du projet intitulé «HydroLEAP», soutenu par l’OFEN dans le cadre de son programme pilote et de démonstration, différentes questions sont étudiées dans la pratique sur trois sites de centrales électriques. L’un de ces sites est la centrale de pompage-turbinage vaudoise des FMHL à Veytaux. Les centrales de pompage-turbinage sont notamment utilisées pour assurer la stabilité du réseau. Grâce à leur grande flexibilité, elles peuvent, en cas de surabondance d’électricité sur le réseau national, utiliser l’électricité «superflue» pour pomper de l’eau dans le lac de retenue, ou encore surmonter les goulets d’étranglement en turbinant l’eau. Dans de tels cas, cette «puissance de réglage secondaire», soit le prélèvement d’électricité (pompage) ou la production d’électricité (turbinage), est souvent limitée à quelques minutes. Comme la puissance de réglage permet d’empêcher les fluctuations indésirables sur le réseau électrique, elle est rémunérée par la société nationale du réseau Swissgrid.

«Court-circuit hydraulique»
Dans la centrale électrique des FMHL à Veytaux, les études actuelles portent sur la manière de mieux gérer la quantité de puissance de réglage mise à disposition. Un mode d’exploitation encore relativement récent des centrales de pompage-turbinage, connu sous le nom de «court-circuit hydraulique», permet d’y parvenir: il consiste à repomper de l’eau dans le lac de retenue alors que la turbine produit de l’électricité en même temps. Dans ce cas de figure, la pompe prélève une puissance fixe, mais la quantité d’électricité produite peut être réglée en continu grâce à un fonctionnement à charge partielle de la turbine. En fin de compte, la centrale en mode de court-circuit hydraulique peut réguler finement la quantité de puissance de réglage négative mise à disposition et ainsi l’adapter aux besoins. «Ce mode de fonctionnement est intéressant pour les exploitants de centrales, car ils sont indemnisés pour la production d’électricité et la puissance de réglage négative», souligne Elena Vagnoni.

Centrale au fil de l’eau assistée par batterie
Un deuxième site de recherche du projet HydroLEAP est la centrale hydroélectrique au fil de l’eau à haute pression d’Ernen, dans le Haut-Valais. Ici aussi, l'accent est mis sur l’utilisation flexible de l’énergie hydraulique. Dans le cas d’un fonctionnement flexible, le point de fonctionnement de la turbine est souvent et rapidement modifié. Toutefois, cela entraîne une sollicitation accrue de la turbine, ce qui peut raccourcir sa durée de vie. Pour éviter les changements rapides de vitesse de la turbine, les exploitants des centrales électriques utilisent depuis peu des batteries: celles-ci fournissent temporairement de l’électricité au réseau jusqu’à ce que la turbine ait augmenté sa vitesse de rotation ou absorbent de l’électricité jusqu’à ce que la turbine ait baissé sa vitesse de rotation. Les premières installations hybrides de ce type sont en service sur différents sites de centrales électriques dans le monde. Le projet mené dans le Haut-Valais doit également permettre d’acquérir une expérience approfondie en Suisse.

Tâche herculéenne
Un deuxième projet partiel à la centrale d’Ernen concerne la rénovation des centrales électriques. Les exploitants de centrales électriques suisses sont confrontés à la tâche herculéenne de renouveler les concessions pour un volume de production de 23 TWh d’électricité au cours des 30 prochaines années. Cela représente plus de la moitié de la production annuelle actuelle d’énergie hydraulique. A la centrale d’Ernen, on étudie si, dans le cadre d’une mesure de réaménagement, il serait judicieux de remplacer la turbine Francis par une turbine Pelton offrant une plus grande flexibilité et de meilleurs rendements en charge partielle. Les deux projets de recherche de l’OFEN déjà achevés, SHAMA et RENOVHydro, se situaient dans le même contexte: le bureau de consultation romand Power Vision Engineering (St-Sulpice/VD) avait alors développé des modèles de simulation pour les rénovations de centrales électriques. Les modèles aident les exploitants à concevoir les composants du système et à définir les plages de fonctionnement des turbines. Ils facilitent également la préparation des mesures de réaménagement.

La base pour des modèles commerciaux fiables
Les projets de recherche mentionnés ne montrent qu’une partie des activités de recherche suisses destinées à assurer l’avenir de l’énergie hydraulique suisse en tant qu’Enabler de la transition énergétique. «Les résultats obtenus jusqu’à présent dans le cadre des recherches en cours permettent de conclure que l’énergie hydraulique dispose d’un potentiel de flexibilité plus important que supposé jusqu’à présent», explique Klaus Jorde, chef de programme à l’OFEN. «Pour ce qui est des questions techniques relatives à la flexibilisation de l’exploitation et à l’utilisation optimisée du potentiel de stockage, nous sommes sur la bonne voie. Pour que l’énergie hydraulique puisse réellement jouer son nouveau rôle, les conditions du marché doivent être adaptées afin que les exploitants de centrales puissent investir en toute sécurité et mettre en place des modèles commerciaux fiables».


Vous trouverez plus d’informations concernant les projets de recherche mentionnés qui ont tous été ou seront financés par l’OFEN ici:

Pour toute information, veuillez contacter Dr.-Ing. Klaus Jorde (klaus.jorde[at]kjconsult.net), directeur externe du programme de recherche sur l’énergie hydraulique de l’OFEN.

Vous trouverez plus d’articles spécialisés concernant les projets pilotes, de démonstration et les projets phares dans le domaine de l’énergie hydraulique sur www.bfe.admin.ch/ec-hydro.


Texte : Benedikt Vogel, sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN)

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