Afin de garantir un approvisionnement complet en énergies renouvelables pendant toute l’année, il faut entre autres développer d’énormes capacités de production d’électricité solaire et éolienne. Le parc d’installations devra être conçu de sorte à satisfaire la consommation de pointe pendant le semestre d’hiver. Même la prise potentielle de mesures visant à casser les pics de consommation en hiver ne pourra empêcher les excès de production durant les mois d’été, notamment sous forme d’électricité solaire. Il s’agira de stocker les excédents de manière appropriée, par exemple à l’aide de batteries de stockage, d’accumulateurs de chaleur ou, à l’avenir, de la transformation d’électricité en hydrogène. Une autre solution – peu abordée, malgré le fait qu’elle offre une mise en place assez rapide, un prix relativement avantageux et un écobilan favorable – consisterait à sécher le bois en utilisant les excédents d’électricité solaire.
Procédé de séchage est très efficient
L’énergie non vendue en été servirait à sécher le bois et augmenterait ainsi contenu énergétique. Cette énergie est pour ainsi dire « stockée dans le bois » et utilisée en hiver. Le procédé du séchage est très efficient, car la consommation d’énergie est nettement inférieure au surplus d’énergie ainsi généré. Ce qui paraît presque invraisemblable répond pourtant aux lois de la physique. Ce phénomène s’explique comme suit: prenons un kilogramme de plaquettes forestières fraîches. Leur teneur en eau s’élève à 50%. Ainsi, un kilogramme de plaquettes forestières contient 500 g d’eau et 500 g de masse bois. Le calcul présenté comme exemple ici porte sur un mélange de plaquettes composé des deux essences suisses les plus fréquentes: le hêtre et l’épicéa. Ce mélange présente un contenu énergétique de 2,21 kWh par kilogramme.
Evaporer 350 g d’eau
Afin d’obtenir une teneur en eau de 15% pour ces plaquettes forestières, il faut faire évaporer 350 g d’eau, ce qui fait baisser le poids d’un kilogramme de plaquettes à 650 g. La masse bois pèse toujours 500 g, mais le poids de l’eau diminue à 150 g. Ces 150 g d’eau correspondent à 15% du poids de départ des plaquettes forestières, si bien qu’elles présentent maintenant une teneur en eau de 15%. Le contenu énergétique de 650 g de plaquettes forestières avec une teneur en eau de 15% se situe à 2.7 kWh. L’énergie contenue dans ce bois est donc supérieure de 0.5 kWh à celle des plaquettes avant leur séchage. Le calcul pourrait naturellement se faire aussi en assumant un séchage pour obtenir 20 ou 25% d’eau. L’augmentation du contenu énergétique du bois serait plus faible, mais l’énergie dépensée pour le séchage se réduirait en conséquence, puisqu’on aurait moins d’eau à faire évaporer.
Combien d’énergie faut-il pour sécher le bois? Un séchage n’est raisonnable que s’il est efficace en énergie, c’est-à-dire s’il ne dépense pas plus que le gain d’énergie qui en résulte.
0.22 kWh d’énergie dépensée permet d’en gagner 0.5 kWh
Dans l’exemple présenté, il s’agit de réduire de 350 g la teneur en eau d’un kilogramme de plaquettes forestières. Or, l’évaporation de 1000 g d’eau (soit 1 litre) requiert 0.62 kWh d’énergie. Pour faire évaporer 350 g d’eau, il faut donc dépenser 0.22 kWh d’énergie. Résultat surprenant: 0.22 kWh d’énergie dépensée permet d’augmenter de 0.5 kWh le contenu énergétique d’un kilogramme de bois stockable et donc utilisable en hiver. En d’autres termes, la quantité d’énergie utilisable se multiplie par deux si on utilise l’électricité excédentaire de l’été pour sécher le bois!
1 kWh d’électricité d’été permet de générer 2 kWh d’énergie d’hiver
La faisabilité d’une idée dépend de sa pertinence pratique. Dans le cas présent, il s’agit d’examiner l’ampleur du potentiel qui permettrait de gagner de l’énergie supplémentaire grâce au séchage du bois. En l’an 2021, près de 5.8 millions de m3 de bois-énergie ont été utilisés en Suisse. Si on séchait près d’un cinquième de ce volume, soit 1 million de m3 – qui sont actuellement brûlés pratiquement à l’état frais dans des chaudières à bois automatiques – pour obtenir 15% d’humidité, on bénéficierait du gain d’énergie suivant: 1'000’000 m3 de bois de forêt frais (mélange de 50% de hêtre et 50% d’épicéa) avec une teneur en eau de 50% pèsent 937’000 t. Le séchage d’une tonne de bois pour atteindre une teneur en eau de 15% permet un gain d’énergie de 0.5 MWh. Il s’agit d’en soustraire la dépense d’énergie de 0.22 MWh par tonne pour le séchage. Le gain d’énergie net s’élève donc à 262 360 MWh (0.28 MWh multiplié par 937’000). Cette quantité correspond à 26'200’000 l ou 22’270 t de mazout: un volume considérable pour lequel il vaut la peine d’envisager la réalisation d’installations de séchage du bois exploitées aux excédents d’électricité solaire d’été.
Economiser approximativement 22 000 t de mazout
La conversion de notre approvisionnement énergétique au profit des énergies renouvelables indigènes entraînera une production de courant excédentaire pendant les mois d’été, surtout par les installations photovoltaïques. «Détruire» cette électricité est insensé du point de vue économique et écologique; nous devrions plutôt la transformer en une forme stockable. Une possibilité à peine prise en compte jusqu’ici consiste à sécher le bois. L’utilisation d’1 kWh d’électricité solaire pour le séchage du bois augmente le contenu énergétique de ce dernier de près de 2 kWh. En séchant 1 million de m3 de bois (soit presque 20% du volume de bois-énergie exploité aujourd’hui) pendant les mois d’été avec l’électricité solaire excédentaire, nous obtiendrions un gain d’énergie d’environ 260 000 MWh. Ce gain nous permettrait d’économiser approximativement 22 000 t de mazout et de réduire d’environ 70 000 t les émissions de CO2.
Texte : Energie-bois Suisse
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