Selon les calculs du prestataire ISS-Ethix, la BNS est responsable de 43.3 millions de tonnes d’émissions de CO2eq par an. Soit presque autant que la Suisse entière (47 millions de tonnes de CO2eq en 2017). Image : Artisans de la transition

Rapport : La vision défaillante des risques climatiques de la BNS égare l’ensemble de la place financière suisse

(CP) Alors que la Banque nationale suisse (BNS) a tenu son assemblée générale le 24 avril, l’association Artisans de la transition attire l’attention sur la politique de gestion totalement défaillante des risques climatiques de cette institution. Très en retard sur l’évolution de la prise en compte du paramètre climatique par les autres banques centrales européennes, la BNS conduit la place financière helvétique à prendre des risques inconsidérés. Son portefeuille favorise une trajectoire de réchauffement de 4 à 6°C d’ici 2100, qui rendra la Terre largement inhabitable à l’horizon du siècle. (Text auf Deutsch >>)


Cette troisième étude de l’association Artisans de la transition sur la BNS est aussi l’occasion de faire le point sur ses placements et de formuler une série de recommandations pour que la BNS puisse aider l’ensemble de la place financière helvétique à mieux prendre en considération les impacts de l’évolution du climat sur l’économie suisse.

A trois jours de l’assemblée générale annuelle de la BNS, l’association Artisans de la transition a analysé la politique de gestion des risques climatiques de cette institution. Le constat est clair : la BNS n’a toujours pas pris la mesure du risque systémique colossal et potentiellement irréversible que le changement climatique pose au système financier et à l’ensemble de l’économie suisses.

Risques modérés selon la BNS
Selon la BNS, la Suisse n’étant pas en bord la mer, ses biens matériels étant bien assurés, la redondance des centres de calcul des banques étant garantie et l’industrie lourde étant très peu présente dans le pays, les risques que pose le changement climatique à l’économie et au système financier suisses seraient modérés.

A l’heure où la Banque centrale européenne mène une révision stratégique pour intégrer les risques climatiques à sa politique monétaire et à sa gestion d’actifs et où plusieurs banques centrales européennes font ou vont faire des stress-tests climatiques pour évaluer les conséquences d’un choc climatique ou d’une politique climatique ambitieuse, la position extrêmement défaillante de la BNS sur ce chapitre conduit l’ensemble de la place financière helvétique à prendre des risques inconsidérés.

Banques « fossiles » Credit Suisse et UBS
Le montant des prêts que Credit Suisse a accordé à la filière des énergies fossiles dans le monde depuis quatre ans équivaut à 1.7 fois ses fonds propres. UBS a multiplié par neuf ses investissements annuels dans le charbon en 2019. Trois quart des soixante plus grandes caisses de pension suisses n’ont aucune politique climatique.

Manque de vision et d’anticipation
Ce manque de vision et d’anticipation se reflète dans la gestion du portefeuille d’actions de la BNS. Pour la troisième fois, l’association Artisans de la transition a analysé les investissements de la BNS dans l’industrie des énergies fossiles. Il s’agit cette fois d’un portefeuille de 101 milliards de francs, dans sa composition au 31 décembre 2019. Selon les calculs du prestataire ISS-Ethix, la BNS est responsable de 43.3 millions de tonnes d’émissions de CO2eq par an. Soit presque autant que la Suisse entière (47 millions de tonnes de CO2eq en 2017).

Ce portefeuille favorise une trajectoire de réchauffement de 4 à 6°C d’ici 2100, qui rendra la Terre largement inhabitable à l’horizon du siècle.

Ce rapport adresse en conséquence cinq recommandations à la BNS :

  • Elaborer une vision et une stratégie de gestion des risques climatiques en accord avec l’état des connaissances sur le réchauffement climatique et sur le rôle des banques centrales.

  • Communiquer de manière claire et fondée sur la gestion des risques climatiques.

  • Gérer correctement les risques climatiques de son portefeuille d’investissements.

  • S’assurer que tous les acteurs financiers comprennent les risques climatiques.

  • Etudier la possibilité de participer à une coordination finance-climat au sein de la Confédération pour respecter l’accord de Paris.

Pourquoi un rapport sur la BNS au moment où la Suisse est confrontée à la pandémie de Covid-19
Les Artisans de la transition ont décidé de publier ce rapport prévu de longue date en pleine pandémie de Covid-19 parce que la BNS a tenu son assemblée générale le 24 avril. Et parce que la crise sanitaire aiguë actuelle ne doit pas masquer aux yeux des Suisses la poursuite de la crise chronique bien plus grave qui affecte le climat et bouleversera les conditions de vie des humains pendant les siècles à venir.

L’arrêt momentané forcé d’une partie importante de l’économie implique la mise sur pied prochaine de plans de relance, qui devront absolument tenir compte de la donne climatique et écologique. Pour élaborer ces plans, la BNS sera mise à contribution. Or, il y a de fortes chances qu’elle n’aidera pas à en écarter les composantes de l’économie qui gonflent la courbe des risques climatiques alors qu’il est impératif de l’aplatir. D’où l’intérêt éminent d’alerter, dans un langage accessible à tous, sur ce problème aigu en cette période cruciale.

Ce rapport montre le poids de la BNS au sein de la place financière helvétique et mondiale, son retard marqué dans la compréhension des risques climatiques sur les autres banques centrales européennes, en particulier la BCE, le risque que cela représente pour l’économie suisse et l’influence positive et peut-être décisive que la BNS pourrait avoir sur la dynamique économique helvétique si elle changeait sa vision des risques climatiques.


3e étude de l’association Artisans de la transition sur la BNS >>

Texte : Artisans de la transition

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